Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/190

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

a-t-on souvent répondu. Il ne tire de la machine que l’obligation de lutter avec elle chair contre fer, jusqu’à épuisement de fatigue, et il ne participe au capital que pour une part de salaire souvent insuffisante à son existence et à l’existence de sa famille.

L’école de la perfectibilité courberait la tête devant l’objection et fermerait le livre de l’avenir si le prolétariat pouvait, devait être le dernier terme du progrès. Mais, grâce à Dieu, le progrès, après avoir émancipé l’esclave, après avoir émancipé le serf, travaille encore éperdûment à émanciper le prolétaire. Chaque jour il l’amène, chaque jour il l’introduit sourdement, silencieusement homme par homme, comme nous l’avons déjà prouvé, au rendez-vous commun de la bourgeoisie, placé à l’embranchement du capital et du salaire, pour constituer l’égalité dans l’aisance et dans le travail.

Mais pendant cette longue opération de rachat du travailleur par l’épargne, l’esprit vivant du siècle laisse-t-il accomplir la loi de l’histoire dans une froide indifférence ? Il concourt au contraire à cette œuvre de rédemption avec une pieuse tendresse. Le prolétariat est son problème acharné. Il le tourne et le retourne sans cesse dans sa pensée ; et pour contribuer à le résoudre et pour hâter le pas de l’heure, et pour réduire du moins le fardeau du pauvre et en prendre une partie à sa charge, il fonde, il multiplie, coup sur coup, l’école, la crèche, la salle d’asile, la caisse d’épargne, la société de tempérance, l’assurance sur la vie, la cité ouvrière, la colonie