Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/252

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de banqueroute. Voilà votre conseil. Voyons si ce précepte de sagesse sauve la difficulté de la question.

Mais, d’abord, avez-vous bien pesé toutes les conséquences de votre doctrine ? Vous voyez l’humanité naufragée dans cette vie, et pour lui donner une ombre d’espérance, vous jetez un radeau sous son pied, vous appelez ce radeau progrès relatif ; mais ce débris flottant ne doit conduire l’homme nulle part, et ne doit aboutir qu’à l’engloutir un peu plus loin au fond de l’abîme. Ne voyez-vous pas que cette apparence, tranchons le mot, cette hypocrisie de mieux, atteinte et convaincue de mensonge, à échéance plus ou moins longue, serait une ironie et une cruauté de plus contre notre destinée ? Je meurs sur mon écueil ; encore une vague, et la mer va emporter mon cadavre, et quand j’ai déjà sur le front la tranquillité funèbre de l’agonie, vous promenez sans cesse à l’horizon, devant mon regard, une voile aussitôt évanouie qu’apparue, comme pour m’apporter une possibilité de salut et me tuer une fois de plus dans cette chance d’existence. Mieux vaudrait la suppression de toute espérance qu’une espérance ainsi trompée ; car là où l’illusion cesse la résignation vient prendre sa place dans l’esprit : l’homme relève son manteau sur sa tête, et il attend patiemment le dernier mot de la comédie.

Mais le progrès relatif, c’est-à-dire l’effort trahi dans le résultat, l’ascension à grand’peine pour une chute de plus haut dans le néant, savez-vous ce que c’est, en