Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/26

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de spectre coiffé d’un bonnet de docteur, qui tient une plume et qui semble la promener sur une page de parchemin ? Or ce docteur est un cadavre, cette tête coiffée est un crâne, cette main occupée à écrire est la main d’un revenant. Vous cherchez l’auteur inconnu de l’Imitation du Christ, le voilà ; voilà son portrait. Il ne voit plus, il n’entend plus, et d’une main glacée, il trace automatiquement une ligne comme l’araignée file sa toile dans un caveau.

Mais il y a un autre livre plus vrai, plus saint, que le murmure d’un stylite mélancoliquement assis sur la pierre de sa thébaïde, un livre ouvert à l’infini d’une courbe à l’autre de l’horizon, un livre écrit pour tous les sens de l’homme à la fois, avec la flamme et le rayon, avec le son et l’électricité. Or ce livre, ai-je besoin de vous le dire ? c’est l’immensité, c’est l’étoile, c’est la terre, c’est la fleur, c’est le pampre, c’est la beauté, c’est la jeunesse, c’est le battement du sang dans l’artère, c’est l’ambition de l’espace, c’est l’attraction de la pensée vers l’inconnu, c’est Dieu enfin, non pas le Dieu mort, non pas le Dieu crucifié, mais le Dieu vivant, le Dieu rayonnant, le Dieu agissant, nous sollicitant de toutes parts à la recherche par le mystère, et nous récompensant d’avoir deviné l’énigme par la volupté sévère de la science.

Vous avez lu ce livre autrefois sur votre colline, et vous nous en avez rapporté çà et là une page flottante au vent, comme la feuille de la sibylle. Je vous y ren-