Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/86

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Ensuite l’homme va de son côté reprendre la piste de la bête, et la femme déposer où elle pourra son fardeau.

Nemrod le chasseur, le carquois et la peau de lion sur l’épaule, vit donc uniquement de la faune éparse, errante dans la bruyère, errant comme elle, isolé comme elle, contraint de dévorer sa proie sur le moment, crue et saignante, sans pouvoir en réserver la moindre parcelle à titre de provision pour le jour où sa flèche fouillera en vain l’espace. Aujourd’hui l’abondance, demain la disette. Il jeûne souvent. Le cri de la faim le ramène à la réflexion, la réflexion lui montre sur son trajet certaines races sociales, — voyez l’analogie, — lentes, indolentes et faciles par conséquent à réduire à l’état de domesticité.

À partir de ce moment, Nemrod prend le sceptre, c’est-à-dire le bâton, et promène de prairie en prairie, à portée du regard, le troupeau de brebis, proie en réserve et en coupe réglée pour l’heure et dans la proportion du besoin. Il entre alors dans la période pastorale, seconde étape de la civilisation.

Le pasteur a commencé par retenir la brebis sous la garde de son bâton ; la brebis, à son tour, retient l’homme dans son voisinage. Le pasteur campe où la brebis paît et bivouaque où elle parque, au coucher du soleil. Il a dès lors un centre de réunion, centre mobile sans doute, centre nomade ; n’importe, c’est toujours un point de ralliement. La société naît autour de ce point, et en même temps que la société, sa raison déterminante, la