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mon voyage aventureux

qui, lui, trouve le régime détestable. On lui a donné une mauvaise chambre et il a droit à un paioc qu’il ne touche pas. Il a un traitement ridicule de quelques milliers de roubles par mois, le prix d’un kilo de pommes de terre. Heureusement, il fait de la clientèle, il a son appartement en ville et ne vient à l’hôpital que lorsqu’il y est obligé.

Au retour, je fais la connaissance dans la rue, d’un autre mécontent. C’est un jeune homme, autrefois bourgeois ; il a fait des études classiques et commencé une école d’ingénieurs. La Révolution en a fait un mécanicien pour automobiles ; il porte un pardessus de toile tout taché de cambouis. Il gagne bien sa vie, me dit-il, parce qu’il sait se débrouiller ; son métier, en outre, ne lui déplaît pas, mais la dégradation sociale qu’il a du subir, fait de lui un ennemi furieux du bolchevisme.

Dans cette question des classes moyennes il y a, à mon avis, des torts des deux côtés. Les intellectuels, ancrés dans leurs préjugés n’ont pas voulu reconnaître la dictature du prolétariat et les ouvriers, remplis de leurs préjugés de classes, eux aussi, ont cru pouvoir se passer des intellectuels, ce qui est impossible à moins de revenir à la vie primitive, qui n’est en rien désirable.

Maintenant, on me connaît au Komintern, et le matin je prends souvent l’autobus rouge qui m’y conduit. Je remarque que dans les rues, les gens regardent haineusement cette voiture qui trans-