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en russie communiste

encore que le moine du Moyen Age je n’excepte pas Dieu de la vanité universelle, parce que je sais que Dieu est humain.

Ma tristesse s’en va vite ; la vie, l’humanité, est-ce que je ne les connais pas ? J’ai l’expérience et je sais que si le but est illusoire, l’action est un besoin. Je ne voudrais pas de la vie de ces petits bourgeois penchés sur leurs gains ; ils sont acariâtres, maussades, tandis que moi, malgré toutes les pierres du chemin, je sens que j’aimerai la vie quand même, jusqu’à la fin.

Et je relis en pensée les réflexions du Candide, de Voltaire. Je me demande dit Candide, s’il ne vaudrait pas mieux être pendu, puis disséqué ramer aux galères, etc., plutôt que de m’ennuyer dans cette vie tranquille ».

Je pense comme Candide, c’est pourquoi, tout en étant bien heureuse de quitter la Russie, je ne regrette pas d’y être allée.

Au diable la tristesse, je m’en vais ce soir ; c’est un jour de joie. Je vais écorner l’allocation du « Komintern » à la « stolovaia » pour quitter la Russie sous une bonne impression alimentaire. L’après-midi est remplie par un tas de formalités. Je dois aller au Bureau de l’alimentation toucher la nourriture du voyage. Les anarchistes me suivent partout ; car ils savent bien qu’il leur en reviendra quelque chose. À eux ma livre de caviar de mauvaise qualité ; à eux ma demi-livre de