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mon voyage aventureux

ce coin perdu où il n’y a pas un étranger. Si on nous interroge, il peut répondre en bon allemand.

La gare est pleine de paysans et d’ouvriers ; les femmes portent un costume analogue à celui des Suissesses : grand chapeau de paille, larges manches de toile blanche énormes chaînes de métal en manière de collier. On prend des secondes, nous y sommes seuls, je respire.

Fribourg ! Oh la jolie ville moyennageuse avec ses maisons en briques rouges décorées de motifs dorés. Je n’ai malheureusement guère le temps de la voir, le train pour Francfort part à minuit et je dois absolument me reposer, car je suis brisée de fatigue.

Avec beaucoup de peine on trouve un hôtel ; c’est le soir, les sons harmonieux d’un violon arrivent jusqu’à ma chambre et dans la cour retentissent des appels de jeunes filles : Frida ! Frida ! sur un ton affectueux. Je pense à la jeunesse de Gœthe et une grande impression de fraîcheur et de paix m’envahit. Hélas, tout ce charme n’est pas moi. Si ces gens me connaissaient, ils me chasseraient avec des injures, car je suis, la Française détestée et plus haïe encore la bolcheviste qui s’en va vers l’Est, là où le peuple en fureur a abattu les classes dominantes.

Mon compagnon doit venir me prendre à l’heure du train ; il arrive ; nous nous dirigeons vers la