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en russie communiste

— Et la France, qu’a-t-elle fait ?

Je réponds que la France, évidemment, s’est montrée moins avancée que l’Italie en révolution. Je n’essaie pas de l’excuser, ce n’est pas dans mes principes. « Capout, la France ! » fait le commissaire.

De tout ce que j’ai acheté, à Berlin, pour la Russie, je n’ai sauvé que quelques instruments ; le commissaire demande à les voir. Le forceps l’intéresse, mais voilà qu’il bondit sur le fer à cheval que j’ai ramassé sur la route.

— Et cela, fait-il est-ce un instrument ?

Je désire que le plancher s’entr’ouvre sous moi pour cacher ma honte. Il saisit le fer à cheval et le jette par la fenêtre.

Je suis humiliée, mortifiée et j’en veux au commissaire des sentiments qui amoindrissent mon âme. Évidemment j’ai eu tort ; seule la démoralisation dans laquelle je me trouvais m’a fait donner dans cette superstition. Mais je n’aime pas avoir à répondre devant un maître d’une faiblesse qui, après tout, ne regarde que moi.

Je revois le « commandant », c’est l’homme qui m’a fait subir l’interrogatoire malveillant à la frontière ; il s’est humanisé et ses yeux noirs ne me font plus peur.

Pour passer le temps, on joue à la « Commission Extraordinaire ». Je suis accusée, encore ! Un allemand fait contre moi un réquisitoire terrible