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ÉTUDES DE LITTÉRATURE

donnent de la métaphysique les traités et les dictionnaires. « Science des choses qui dépassent la nature, le domaine des causes secondes, pour s’élever aux causes premières, aux premiers principes. » Cette prétendue science des choses que ne peut atteindre l’intelligence humaine, Voltaire la définit le « roman de l’esprit, » la compare, très irrévérencieusement, à la coquecigrue de Rabelais bombillant ou bombinant dans le vide. « Toute la métaphysique, dit-il, contient, d’une part, ce que savent les hommes de bon sens, et de l’autre, ce qu’ils ne sauront jamais. »

« Ce qu’ils ne sauront jamais », — retenons le mot. On représente Voltaire tantôt comme un plaisantin qui résout par des calembredaines les énigmes de l’univers physique et moral, tantôt comme un intellectuel dévoré d’orgueil qui s’imagine qu’il n’y a rien que la raison humaine, sa propre raison, ne puisse aisément expliquer. L’un, M. Brunetière, dit : « Voltaire n’a pas senti que nous sommes enveloppés d’obscurité, que notre intelligence se heurte de toute part à l’inconnaissable. « Et l’autre, M. Faguet : « Voltaire est impénétrable, non seulement à la pensée et au sentiment du mystère, mais même à l’idée qu’il peut y avoir quelque chose de mystérieux. » Or, il suffit de parcourir au hasard tel ou tel de ses écrits philosophiques pour voir que nul ne sentit, ne marqua, soit avec plus de gravité, soit avec plus d’humilité, les bornes de l’esprit humain.

Ce que Voltaire célèbre dans Newton, c’est sans doute un sublime génie ; mais il ne l’admire guère moins de connaître son ignorance. « Un jour, on demandait à Newton pourquoi il marchait quand il en avait envie et comment son bras et sa main remuaient à volonté. Il répondit brièvement qu’il n’en savait