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ÉTUDES DE LITTÉRATURE

mais en l’air. Ce sont, en France, Gassendi, Fontenelle, Bayle ; en Angleterre, Bacon, Locke, Newton ; c’est, chez les Grecs, Aristote. Les autres, il les traite de thaumaturges ou même de charlatans. Ceux-là, les Platon, les Descartes, les Spinoza, les Leibnitz, ils ont fait des romans, des romans très intéressants à vrai dire, mais comme un roman peut-être, par l’invention du romancier.

Voltaire, lui, s’appelle « non docteur, mais douteur ». « Affirmer, dit-il, n’est permis qu’en géométrie. » On lui reproche de n’avoir pas l’esprit philosophique, sous prétexte que la « synthèse lui est interdite ». Cela signifie tout simplement qu’il n’a pas l’esprit de système. Mais l’esprit de système, c’est, en un certain sens, le contraire de l’esprit philosophique. Le véritable esprit philosophique consiste à s’arrêter, suivant son expression, lorsque « le flambeau de la physique nous manque. » Dans toutes les questions métaphysiques, Voltaire se tient sur la réserve. Il ne fait guère qu’exposer ses doutes. On l’accuse de contradictions. Le mot est peu juste. Ceux-là seuls se contredisent qui affirment. Or Voltaire n’affirme pas, il se donne comme tâtonnant dans les ténèbres. Un de ses plus importants écrits sur la métaphysique est intitulé le Philosophe ignorant, et ce philosophe ignorant, c’est lui-même.

Je sortirais peut-être de mon sujet, si j’insistais davantage. J’y rentre tout de suite en expliquant de quelle façon Voltaire soumet sa métaphysique à la morale.

Voici, par exemple, la question du libre arbitre. Pouvons-nous diriger notre volonté, ou sommes-nous assujettis aux mêmes conditions nécessaires que tout le reste de la nature, incapables de réagir contre