Aller au contenu

Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire contemporain, 1908.djvu/192

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

précision, la concision et la rectitude sont, au point de vue formel, les qualités que demande la prose ; ce sont également les seules qu’exige l’esthétique du Parnasse. Ajoutons-y pourtant l’observation de certaines règles mécaniques auxquelles s’assujettit le vers, et qui lui donnent l’avantage d’une certitude immuable. Et sans doute les parnassiens appliquèrent ces règles avec une sévérité inconnue avant eux. Aussi atteignirent-ils, dans leur genre, la perfection absolue. Mais ils ne l’atteignirent qu’en proscrivant la matière même de la poésie, si la poésie a vraiment pour matière ce que l’âme humaine recèle de vague, de mystérieux, ce qui ne saurait s’exprimer avec tant de rigueur, ni même avec une telle clarté.


C’est sur ce point capital que la jeune école prit parti contre le Parnasse. Elle ne fut pas sans subir l’influence de la poésie allemande et surtout de la poésie anglaise[1]. Ses adversaires remarquaient malignement que, parmi les symbolistes, beaucoup étaient des étrangers, les uns Flamands, M. Rodenbach et M. Verhaeren, les autres Anglo-Saxons, M. Stuart Merril et M. Vielé-Griffîn, sans compter M. Jean Moréas, lequel est Grec. Pourtant, quoique la poésie oratoire et logique ait généralement prévalu chez nous et s’accorde mieux à notre tradi-

  1. Il faudrait noter d’abord, en musique, le « wagnérisme », en peinture, le « préraphaëlitisme »; quant à la poésie elle-même, elle eut toujours chez les Allemands et chez les Anglais un caractère beaucoup moins « rationaliste » que chez nous.