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pour l’inventeur du vers libre[1]. Nous trouvons encore dans ses pièces quelque vestige de la symétrie rythmique et de la rime. Pas dans toutes pourtant. Voyez, par exemple, la strophe suivante des Palais nomades :


Elles, quand s’afflige en verticales qui se foncent le soleil
                                   Pourquoi seules ?
                             Pourpres banderoles
                  Où retirez-vous, vers quel fixe
                        Vos muettes consolations ?
                  Étirements, affaissements, ô normes.
Quelle fleur d’inconnu fane inutile aux reposoirs de nos soirs
      Où frémit et languit une attente d’espérance vaine[2].


Dans cette strophe, outre que les divers mètres se succèdent arbitrairement et qu’il n’y a ni rimes, ni même assonances, le rythme n’oflre aucune trace de symétrie. M. Gustave Kahn pourrait dire sans doute que les découpures rythmiques reproduisent les mouvements de sa sensibilité. Et cela est fort possible. Mais faut-il appeler vers ce qui jusqu’à présent s’appelait prose ? De la poésie, j’y consens (une poésie, du reste, qui n’est pas facilement saisissable). Quant à des vers, il n’y en a pas sans règles[3].

Aussi bien je ne vois aucune raison de rejeter les vers libres, si leur licence du moins ne va pas tout à fait jusqu’à la prose, si le poète nous y laisse sentir une certaine régularité, soit par quelque homophonie, soit par l’emploi de mètres symétriques plus ou moins

  1. Cependant Jules Laforgue l’avait précédé. Et il ne faut pas oublier Mlle Marie Krysinska.
  2. Le sens de ces vers m’échappe totalement ; aussi je ne les
    considère qu’au point de vue métrique.
  3. Après tout, ce n’est là qu’une question de mots.