Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
113
LIVRE IV, § XLVI.

en eau ; la mort de l’eau, c’est de se changer en air ; la mort de l’air, de se changer en feu ; et réciproquement. » Se souvenir aussi d’un point qu’Héraclite a oublié[1], à savoir : le but où conduit cette route que suivent toutes choses en ce monde. Se souvenir en outre que les êtres s’élèvent d’autant plus qu’ils participent davantage, et plus continûment, à cette raison qui gouverne l’ensemble de l’univers ; et qu’ils regardent les détails de la vie de chaque jour comme leur étant de plus en plus étrangers. Se rappeler également que nous ne devons pas agir et parler comme on le fait en rêve[2] ; car durant le sommeil aussi, on a l’air de parler et d’agir ; et enfin, que nous ne devons pas nous conduire comme des enfants, aveuglément dociles à leurs parents, et

    tion de Clément d’Alexandrie, Héraclite aurait emprunté lui-même cette pensée à Orphée. Voir les Stromates, liv. VI, p. 196, édition de 1779. Ici, Marc-Aurèle veut simplement rappeler au philosophe que toutes les choses de ce monde sont dans un changement perpétuel.

  1. Qu’Héraclite a oublié. Le texte n’est peut-être pas aussi précis. Il peut d’ailleurs paraître corrompu dans tout ce passage ; mais il n’y a pas de variante qui puisse servir à le corriger.
  2. Comme on le fait en rêve. La pensée n’est pas assez développée ; elle signifie que la vie doit être prise au sérieux, et que l’homme doit apporter à tout ce qu’il fait la plus grave attention. Dans le rêve, au contraire, tout se passe sans l’intervention de la conscience et de la personne, qui est alors purement passive.