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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

c’était bien le sort qui lui était réservé ; c’était bien là ce qui avait été réglé pour lui dans l’ensemble des choses.

Ainsi donc, acceptons tout cela comme nous acceptons les remèdes qu’Esculape nous ordonne. Bien souvent ses prescriptions nous sont douloureuses ; mais nous les agréons dans l’espérance d’y retrouver la santé, que nous avons perdue. Considère l’accomplissement des décrets de la commune nature[1] et le but auquel ils concourent, à peu près comme tu considères ta propre santé. Aime également tout ce qui t’arrive[2] dans la vie, quelque dure que l’épreuve puisse te paraître, parce que tout cela conduit à un résultat qui est la santé du monde[3], et que tout cela facilite les voies de Jupiter[4] et l’heureuse exécution de ses desseins. Il

    la liberté que Dieu lui a accordée.

  1. La commune nature. En d’autres termes, la Providence, qui a tout réglé dans ses desseins infinis.
  2. Aime également tout ce qui arrive. C’est un optimisme aussi sage que pratique. Les biens dont cette vie est comblée surpassent tellement les maux qui s’y rencontrent, que l’homme ne peut que remercier et bénir l’Être tout-puissant, qui la lui a donnée. De sa part, cette reconnaissance sincère est à la fois un acte de justice et de magnanimité. Il se fie à la bonté de Dieu et tient peu de compte des maux qu’il souffre, parce qu’ils entrent nécessairement dans le plan universel de la Providence. Mais cette foi imperturbable et résignée n’appartient qu’aux plus grandes âmes, Socrate, Épictète, Marc-Aurèle et quelques autres.
  3. La santé du monde. Expression très-belle et très-juste.
  4. Les voies de Jupiter. C’est ainsi que Milton, au