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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

IX

Ne fais jamais entendre de plaintes à personne ni contre la vie qu’on mène à la cour[1], ni contre ta propre vie[2].

X

Le regret[3] est un secret reproche qu’on se fait à soi-même d’avoir négligé son intérêt ; or c’est le bien qui doit être notre intérêt véritable, et le bien seul est digne des soins d’un homme vertueux. Mais l’homme de bien ne peut jamais se repentir d’avoir négligé un plaisir. Donc le[4] plai-

    quer leur reconnaissance, en les ramenant à de meilleurs sentiments. Sénèque a excellemment dit : « En cette occasion, la prudence ne vous servira qu’à vous empêcher d’être bienfaisant, si pour éviter l’ingratitude vous ne faites jamais plaisir à personne. Ainsi, de peur qu’un bienfait ne périsse entre les mains d’autrui, vous le laissez périr entre les vôtres. » Épître LXXXI, à Lucilius.

  1. Contre la vie qu’on mène à la cour. On peut se faire aisément une idée des ennuis et des fatigues que la vie de la cour, si vide et si occupée tout ensemble, devait causer à une âme telle que celle de Marc-Aurèle. Mais il la supportait par devoir, et il ne s’en est plaint que rarement.
  2. Ni contre ta propre vie. Le sage n’a jamais à se plaindre de sa vie personnelle, parce qu’il dépend toujours de lui de la changer en l’améliorant.
  3. Le regret. Ou le repentir.
  4. Le plaisir n’est pas notre intérêt. Voir plus haut, liv. V, § 15, une très noble pensée, qui est analogue à celle-ci et qui peut servir à la compléter.