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LIVRE VIII, § LVI.

LV

Considéré d’une façon générale[1], le vice ne peut pas nuire au monde ; considéré dans un individu séparé, il ne nuit pas à autrui[2] ; mais il est exclusivement nuisible à l’être même, qui d’ailleurs a la possibilité d’en être délivré, pourvu que d’abord ce soit lui qui le veuille.

LVI

Pour tout ce qui regarde ma volonté personnelle[3], la volonté de mon voisin m’est aussi parfaitement indifférente et étrangère que sa respiration ou son corps. Sans doute, nous sommes faits les uns pour les autres autant que possible ; mais la raison qui nous conduit n’en a pas moins[4]

  1. D’une façon générale. C’est-à-dire, dans l’ordre universel des choses. Il est certain que le mal doit y avoir sa place, puisque Dieu l’a permis. Seulement, notre faible intelligence ne comprend pas assez les desseins de Dieu.
  2. Il ne nuit pas à autrui. Au point de vue moral ; car il peut y nuire par une foule de conséquences. Mon vice ne corrompt que moi ; et mes semblables ne le subissent pas comme moi. Voir le paragraphe suivant, où la pensée se continue et se développe.
  3. Ce qui regarde ma volonté personnelle. Suite du paragraphe précédent.
  4. Dieu ne l’a pas voulu. Et nous devons l’en remercier ; car, sans cette distinction, nous ne serions plus des personnes, et l’individu moral n’existerait pas.