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LIVRE IX, § IX.

remarquer une tendance évidente à se grouper autour du meilleur, ce qu’on ne voit, ni dans les plantes, ni dans les pierres, ni dans les bois. Au contraire, entre les êtres qui ont le privilége de la raison, il se forme des gouvernements, des amitiés de tout ordre, des familles, des réunions de tout genre, et, même pendant la guerre, des traités et des trêves. En montant encore plus haut jusqu’aux êtres de la région supérieure, il y a une sorte d’unité même entre les plus séparés par la distance, comme le sont les astres[1].

C’est donc ainsi que la tendance à s’élever toujours vers le mieux peut créer entre les êtres les plus disparates une sorte de sympathie. Mais regarde ce qui se passe dans l’état présent des choses. Seuls, les êtres doués d’intelligence[2] ont perdu le sentiment de cette affection et de ce bon accord qu’ils se doivent mutuellement[3] ; il n’y a que parmi eux qu’on ne voit plus ce concours. Pourtant ils ont beau fuir ; ils sont repris dans le courant qui les entraîne ; la nature est la plus

    même espèce que lui. Soit homme, soit Dieu.

  1. Comme sont les astres. Qui font en effet partie d’un vaste système, où chacun a son rôle bien marqué, pour concourir à l’unité universelle.
  2. Seuls, les êtres doués d’intelligence. Et de liberté.
  3. Ce bon accord qu’ils se doivent mutuellement. Voilà la pensée essen-