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LIVRE X, § VIII.

sation particulière et spéciale, qui n’a rien à faire, selon moi, à ce que je dis ici.

VIII

Quand tu te seras conquis le renom d’homme honnête, modeste, sincère, prudent, résigné, magnanime, veille bien à ne jamais t’attirer des appellations contraires[1] ; que si tu perds tes titres à ces noms honorables, hâte-toi de les reconquérir, au plus vite[2], de ton mieux. Souviens-toi qu’être Prudent, cela veut dire qu’on s’applique à examiner chaque objet attentivement et sans négligence ; qu’être Résigné[3], c’est accepter de sa pleine volonté le destin que nous répartit la commune nature ; que Magnanime désigne l’empire de la partie pensante[4] de notre être sur les émo-

  1. Veille bien à ne jamais t’attirer des appellations contraires. C’est écarter de soi avec le plus grand soin toute hypocrisie et toute dissimulation, effort assez facile quand on ne songe sérieusement qu’à faire bien, sans s’inquiéter en rien des conséquences. La franchise est un des premiers devoirs du philosophe, vis-à-vis de lui-même d’abord, et ensuite vis-à-vis de ses semblables. Le mensonge doit lui être étranger sous quelques formes qu’il se cache ; et c’est en s’avouant à soi-même ses propres fautes qu’on peut réussir à s’en corriger.
  2. Les reconquérir au plus vite. C’est une réhabilitation à nos propres yeux, et plus tard aux yeux des autres.
  3. Résigné. Il n’y a pas de recommandation faite plus fréquemment et plus énergiquement par le Stoïcisme et par Marc-Aurèle.
  4. L’empire de la partie pensante. Voilà une défi-