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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

çois clairement, n’hésite pas à marcher à cette lumière, d’un cœur tranquille, et sans te laisser détourner de ta route. Si tu ne le vois pas assez nettement, tu n’as qu’à t’arrêter[1] et à recourir aux conseils les plus éclairés. S’il se présente encore d’autres difficultés qui s’opposent à tes desseins, tu peux toujours t’avancer[2], en scrutant avec réflexion les motifs que tu as actuellement d’agir, et en t’en tenant à ce qui te semble juste. C’est le point essentiel ; il faut t’en assurer, bien que du reste tu puisses échouer dans ce que tu poursuis. Suivre en toutes choses les conseils de la raison, c’est tout à la fois se garantir la paix et se faciliter tous ses mouvements ; c’est à la fois brillant et solide.

XIII

Au moment où tu t’éveilles, tu peux te demander à toi-même : « S’il t’importera person-

    conscience ne nous trompe pas. Mais ce qui nous trompe, ce sont les passions ou les intérêts ; et la ferme résolution de faire ce qu’on doit devient alors très-difficile et très-rare. En ceci d’ailleurs comme dans tout le reste, l’habitude exerce une influence souveraine ; et l’on accomplit le devoir, même pénible, d’autant plus aisément qu’on l’a déjà plusieurs fois accompli.

  1. À t’arrêter. Ou, à suspendre ton jugement.
  2. Tu peux toujours t’avancer. Conseils analogues à ceux que donne Descartes dans le Discours de la Méthode, p. 150, édit. Victor Cousin.