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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

Encore un peu[1], et tes yeux se fermeront aussi ; et celui-là même qui t’aura porté en terre sera, à son tour, pleuré par un autre, qui l’y portera.

XXXV

Lorsque l’œil est sain, il regarde tout ce qui peut être regardé, et il ne dit pas : « C’est du vert que je veux voir[2]. » Car le vert n’est un besoin que pour l’œil qui est malade. De même, l’ouïe quand elle est saine, l’odorat quand il est

    faut mesurer les choses d’ici-bas.

  1. Encore un peu… Ces réflexions, toutes tristes qu’elles sont, n’en ont pas moins une profonde vérité. Sénèque a dit : « L’homme ne paraît jamais plus divin que lorsqu’il songe qu’il est né pour mourir, et que son corps n’est qu’une hôtellerie qu’il doit quitter aussitôt qu’il est à charge à son hôte. » Épître CXX, à Lucilius. Bossuet a dit aussi, se rappelant, sans doute, Homère comme le fait Marc-Aurèle : « Il me semble que je vois un arbre battu des vents ; il y a des feuilles qui tombent à chaque moment ; les unes résistent plus ; les autres, moins. Que s’il y en a qui échappent de l’orage, toujours l’hiver viendra qui les flétrira et les fera tomber. Ou, comme dans une grande tempête, les uns sont soudainement suffoqués, les autres flottent sur un ais abandonné aux vagues ; et lorsqu’il croit avoir évité tous les périls, après avoir duré longtemps, un flot le pousse contre un écueil et le brise. » Sermon sur la Mort.
  2. C’est du vert que je veux voir. Ainsi, dès le temps de Marc-Aurèle, on avait remarqué que la couleur du vert est celle qui fatigue le moins la vue. L’observation était assez facile, puisque la nature a répandu presque partout la couleur verte par le règne végétal. Aujourd’hui, cette observation est