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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

vie de l’homme ne dure qu’un instant, et que, dans quelques jours, nous serons tous dans la tombe.

Septièmement[1]. Que ce ne sont pas, à vrai dire, les actes des hommes qui nous choquent, puisque ces actes ne sont réellement que dans leur esprit, mais que, ce qui nous émeut, ce sont les idées que le nôtre s’en fait. Supprime donc ces idées ; veuille effacer le jugement qui attachait tant de gravité à la chose dont tu te plains ; et, du même coup, voilà ta colère partie[2]. Mais comment supprimer cette idée ? En te disant, après réflexion, qu’il n’y a pas là pour toi la moindre honte[3] ; et que, s’il y avait autre chose que le mal de honteux dans le monde, tu aurais nécessairement commis toi-même bien des crimes[4], et que tu serais une sorte de brigand, couvert de tous les méfaits.

Huitièmement[5]. Combien les emportements et

    doit songer à ce qui doit la suivre.

  1. Septièmement. Motif de tranquillité d’âme et d’impassibilité. Corriger nos propres pensées est plus aisé que de corriger celles d’autrui, dont nous ne pouvons disposer.
  2. Voilà ta colère partie. C’est parfaitement vrai ; mais quelle domination de soi !
  3. La moindre honte. Voir plus haut, liv. II, § 1. Les actes d’autrui ne sont de rien pour nous, en ce sens qu’ils ne peuvent jamais nous déshonorer ; il n’y a que nos propres actes.
  4. Tu aurais nécessairement toi-même commis bien des crimes. Si l’on s’en rapportait à l’opinion des autres sur nous.
  5. Huitièmement. Nous nous faisons