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LIVRE XII, § XXIII.

ainsi qu’un vaisseau qui a doublé un promontoire, tu trouveras une mer calme, une pleine tranquillité, et un port[1] où les vagues ne pénètrent plus.

XXIII

Une action isolée, quelle qu’elle soit, quand elle cesse en son temps, ne souffre en rien dans le mérite qu’elle peut avoir, par cela seul qu’elle a cessé ; celui qui a fait cette action ne souffre pas davantage par ce motif unique que cette action a dû cesser d’être. En vertu de la même raison, cet ensemble d’actes successifs qui est ce qu’on appelle la vie[2], n’est pas mis à mal par cela seul qu’il cesse son cours, pas plus que ne souffre celui qui met un terme opportun[3] à

    résistance, et c’est la sensibilité qui pose ces limites.

  1. Une mer calme… un port. Images fort bien choisies, qui étaient neuves au temps de Marc-Aurèle, si aujourd’hui elles nous paraissent un peu vieilles.
  2. Cet ensemble d’actes successifs… qu’on appelle la vie. La pensée n’est peut-être pas très-juste, attendu qu’après un acte isolé, on s’attend à d’autres actes qui doivent y succéder, tandis que la mort est une cessation absolue de toute activité. Mais ce qui est vrai, c’est que chacun de nous doit regarder sa propre mort comme rentrant dans l’ordre universel des choses, et comme un décret de Dieu. Voir plus haut, liv. IX, § 21.
  3. Celui qui met un terme opportun. Il s’agit évidemment