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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

elles d’une manière plus claire que personne ne l’avait fait avant lui, il établit que les fautes qu’un désir réfléchi fait commettre sont plus graves que celles qu’on commet dans l’enivrement de la colère. En effet, quand la colère nous transporte, il semble que c’est avec une certaine douleur et un entraînement dont on n’a pas conscience qu’on s’égare loin de la raison, tandis qu’au contraire celui que le calcul du désir rend coupable et qui se laisse vaincre par le plaisir, paraît en quelque sorte plus intempérant et plus relâché dans ses fautes. C’est donc une sentence bien vraie et d’une bonne philosophie que celle de Théophraste, quand il dit que la faute accompagnée d’un sentiment de plaisir mérite bien plus de blâme que celle que la douleur accompagne. Et de fait, l’un a bien plutôt l’air d’un homme qui a été provoqué et qu’on a contraint à se mettre en colère, tandis que l’autre s’est porté de son plein gré au méfait, en se laissant

    trine de Théophraste, qu’il approuve, s’éloigne de celle de quelques Stoïciens exagérés, qui déclaraient que toutes les fautes sont égales. C’était un de leurs paradoxes favoris et un des plus étranges, quoiqu’il découlât très-logiquement de leurs principes. Il est probable que Marc-Aurèle reproduit ici presque textuellement un passage de Théophraste.