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LIVRE III


I

Ce n’est pas le tout de se dire que chaque jour la vie se perd, et que ce qui nous en reste diminue sans cesse ; il faut aussi se répéter que l’existence fût-elle beaucoup plus longue, nous ne sommes jamais sûrs que notre esprit demeurera jusqu’au bout également capable de bien comprendre la vérité[1], et de s’élever à ces hautes spéculations qui nous conduisent à la connaissance des choses divines et humaines. Ne se peut-il pas, en effet, qu’on tombe en un commencement de démence, sans que pour cela la respiration, la nutrition, l’imagination, les désirs et toutes les autres facultés de même ordre, viennent à défaillir en nous ? Mais jouir pleinement de soi, me-

  1. Nous ne sommes jamais sûrs… C’est une autre abréviation de la vie, et comme une mort anticipée. Le conseil est juste comme tous ceux qui recommandent l’emploi le meilleur de la vie ; mais il n’est peut-être pas très-pratique, parce que les cas de démence sur la fin de l’existence sont assez rares, surtout parmi ceux qui ont vécu de l’esprit et beaucoup exercé