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Page:Pere De Smet.djvu/167

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» Le lendemain, dès le point du jour, nous étions en route. Vers midi, nouvelle alerte. Un buffle venait d’être tué, il y avait à peine deux heures, à l’endroit où nous passions. On lui avait enlevé la langue, les os à moelle, et quelques autres morceaux friands. La Providence l’avait ainsi voulu pour nous procurer à souper. Nous nous dirigeâmes du côté opposé aux pistes des sauvages, et, la nuit suivante, nous campâmes au milieu de rochers qui avaient dû servir de repaire aux tigres et aux ours. J’y fis un bon somme. Cette fois, la musique assommante de mon compagnon ne me troubla pas ».[1]

Chaque jour, chaque heure, révèle le voisinage des redoutables Pieds-Noirs. « Pareille solitude, avec ses horreurs et ses dangers, a cependant un sérieux avantage, c’est que l’on y voit constamment la mort en face. On sent mieux qu’on est tout entier dans la main de Dieu. Il est facile alors de lui faire le sacrifice d’une vie qui est bien moins à vous qu’au premier sauvage qui voudra la prendre. On prie avec plus de ferveur ; on forme les meilleures résolutions pour le cas où on sortira sain et sauf du danger. C’est dans ce désert que j’ai fait la meilleure retraite de ma vie ».[2] Enfin, nos voyageurs rejoignent le Missouri à l’endroit où, une heure auparavant, l’ennemi vient de le traverser. Le P. De Smet parlait un jour avec un chef indien des dangers qu’il avait courus sur le Yellowstone.

— Le Grand-Esprit a ses manitous, dit le sauvage ; il les a envoyés sur vos pas, pour étourdir et mettre en fuite les ennemis qui auraient pu vous nuire. Un chrétien aurait-il mieux traduit le verset du

  1. Relation citée.
  2. Ibid.