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Page:Pere De Smet.djvu/204

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« Le désert à traverser est immense et monotone. Les loups y hurlent à gueule béante, l’ours y gronde, le chat-tigre et la panthère y rugissent ; mais c’est de loin qu’on les entend, et ils s’enfuient à l’approche de l’homme. Dans ce désert, la Providence a admirablement pourvu aux besoins de ses enfants : le buffle, la gazelle, le cerf, le chevreuil, la grosse-corne, l’orignal, y paissent encore par milliers. Si parfois l’on y jeûne pendant un jour ou deux — je parle d’expérience — on y gagne un meilleur appétit. Si une nuit orageuse empêche de fermer l’œil, on dort mieux la nuit suivante. Si la rencontre d’ennemis aux aguets met notre vie en danger, cela nous apprend à ne nous confier qu’en Dieu, à bien prier, à tenir nos comptes toujours en règle ; et, à cette crainte d’un moment, succèdent une joie et une reconnaissance durables. Je dois l’avouer, je ne sais pas encore ce que c’est que de souffrir pour le doux nom de Jésus. Au contraire, j’éprouve ici, dans toute sa force, la vérité de la divine parole : Jugum meum suave est, et onus meum leve ».[1]

Le 14 novembre, on arriva au fort Colville, appartenant à la Compagnie des Fourrures de la Baie d’Hudson. Le commandant, Écossais d’origine, fit bon accueil au missionnaire, et lui fournit en abondance bestiaux, vivres et semences. Il alla jusqu’à faire mettre à son insu, parmi les provisions, « une foule de petites douceurs, telles que sucre, café, thé, chocolat, beurre, biscuits, farine, volailles, etc. »

Quatre jours après, le P. De Smet reprenait le chemin de la Racine-Amère.[2]

  1. « Mon joug est doux, et mon fardeau léger ». (Matt. XI, 30). — Lettre citée.
  2. Une anecdote assez plaisante vint alors prouver au mis-