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Page:Pere De Smet.djvu/271

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tarda pas à laisser percer ses véritables dispositions. Il devint sournois et maussade ; ciel et terre lui paraissaient à charge. Il choisissait pour camper des endroits où nos pauvres bêtes, après une longue journée de marche, ne trouvaient rien à manger. À mesure que nous avancions dans le désert, il paraissait de plus en plus farouche. Impossible de lui arracher une parole honnête. Ses murmures incohérents, ses allusions me causèrent bientôt de sérieuses inquiétudes.

» Déjà j’avais marché six mortelles journées à sa suite. Mes deux dernières nuits avaient été des nuits d’angoisse et de veille. J’eus alors le bonheur de rencontrer un Canadien. Je l’engageai à me suivre pendant quelques jours. Le lendemain, l’interprète disparut. Quelque critique que fût ma situation, me trouvant dès lors sans guide et sans interprète, le départ de ce désagréable compagnon me délivra d’un pesant fardeau. Il est probable que, sans la rencontre du Canadien, je n’aurais pas échappé au projet qu’il avait formé de se débarrasser de moi ».[1]

Résolu à continuer sa route, le P. De Smet se mit à la recherche d’un nouvel interprète. Il y en avait un, disait-on, à peu de distance, qui, lui aussi, se rendait chez les Pieds-Noirs. Huit jours durant, il marcha, pour le découvrir, à travers un labyrinthe d’étroites vallées. Ce fut en vain.

Les sauvages non plus ne paraissaient pas. Des partis de guerre créés battaient la campagne dans tous les sens, et les Pieds-Noirs fuyaient devant eux.

Depuis quatre jours, le neige tombait à gros flocons.

  1. Lettre à Mgr Hughes. — Fort Edmonton, 31 déc. 1845.