Je ne suis pas de ceux qui se torturent pour une pensée qui ne vient pas vers eux… Puisqu’il est mort, je comprendrais bien qu’il tînt une maîtresse place en votre souvenir…
— Il la tiendra, dit-elle, vous pouvez le croire ! Et moi je songe encore à mon chagrin et je veux y songer toujours.
— Vous êtes jeune ; vous avez toute votre vie devant vous pour être heureuse… Laissez passer le temps consolateur… Quand votre peine sera endormie, souvenez-vous bien que mon cœur n’a pas changé et que mon désir, malgré tout, reste le même.
Elle eut un geste d’agacement et lui s’excusa.
— Il faut pourtant bien que je vous dise cela, Éveline !
— Je ne vous le demandais tout de même point ! jeta-t-elle sur un ton de colère, et vous auriez mieux fait d’attendre.
À ce moment, une cloche lointaine sonna une agonie. Éveline tendit la main dans la direction de Quérelles d’où venait le bruit et elle dit, comme prise de déraison soudaine :
— Entendez-vous, Honoré ? C’est ma noce qui sonne ! Savez-vous bien que nous sommes au 4 juin. C’était le jour fixé par Maurice… Vous choisissez bien votre moment, Honoré ! Portez à d’autres vos chansons… C’est ma noce qui sonne ! C’est ma noce !…
Elle ajouta dans un sanglot :
— Elle n’est pas bien gaie !
Honoré ne lui parla pas davantage ce soir-là. Mais les jours suivants, il revint à la charge, doucement, tendrement, avec des précautions infinies et une patience méritoire.