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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

« Seulement, cette fois, dit-elle, dépêchez-vous, monsieur Maurice, et je vous laverai bien le visage pour que madame ne devine rien. »

J’acceptai ; et, aussitôt ma tartine finie, j’apportai docilement ma petite frimousse toute barbouillée.

« Frotte, frotte bien, Gertrude, insistais-je, en tendant alternativement l’une et l’autre joue. Ce n’est pas assez, encore… »

Elle frotta tant et si bien qu’en me regardant dans la glace je me trouvai rouge comme une tomate et luisant comme le parquet.

« Pour le coup, pensai-je, je ne risque rien. »

Aussi je fus stupéfait lorsqu’en rentrant ma grand’mère, au premier coup d’œil jeté de mon côté, s’écria :

« Qu’as-tu mangé au lieu de soupe ? »

Je baissai la tête, suivant ma coutume.

« Veux-tu répondre ? dit-elle sévèrement.

— Non, dis-je, je ne veux pas répondre. »

Je gagnai à cela une semaine de pain sec au goûter.

J’étais furieux et encore plus intrigué.

« Elle devine tout, pensais-je. Pas moyen de rien lui cacher… J’étais si propre ! »

Et je passais mes mains sur mes deux joues qui me cuisaient à force d’avoir été frottées.