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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

ému à cette pensée : point de toupie, jamais ! Pauvre petit ! Du pain, on s’en passerait encore, pensais-je. Ce n’est pas déjà si bon. Mais une toupie !…

Ma poche de gilet contenait justement une place de premier, valant cinquante centimes ; cela me permettrait de remplacer mon jouet.

« Garde-la, lui dis-je, je te la donne. Elle tourne parfaitement. Voilà aussi ma ficelle. »

Je crois, en vérité, qu’il fut plus émerveillé de la toupie que du pantalon.

Il me combla de remerciements et partit tout joyeux pour aller retrouver sa famille, campée dans les environs.

Il avait couru d’abord ; mais, occupé à regarder mon présent, il ralentit peu à peu sa marche, de sorte que, en arrivant en face de notre maison, je n’étais guère qu’à vingt pas derrière lui. Ma grand’mère se promenait. Elle vit passer le petit pauvre, et je l’entendis qui disait à Gertrude :

« C’est singulier. Voilà un mendiant qui a un pantalon neuf absolument semblable à celui de Maurice. »

J’arrivai à mon tour.

Comme j’avais pris l’habitude de laisser à l’école mon tablier de lustrine noire, rien ne dissimulait l’originalité