Page:Pert - L Autel.djvu/137

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clave de deux gamines !… Et croyez-vous qu’elles vous en sauront gré, plus tard, pauvre dupe ?…

Henriette jeta avec un tendre fanatisme :

— Mais, je ne leur demande aucune reconnaissance, maintenant, ni jamais, pauvres enfants !… Comme vous et la plupart des hommes et des femmes, vous avez de fausses idées sur vos devoirs !… Que de droits iniques vous revendiquez ! Je vous ai dit l’histoire de mon mariage… J’ai épousé M. de la Ferronnays à dix-huit ans, n’étant jamais sortie de mon milieu familial provincial, l’aimant de tout mon cœur, ignorante, innocente autant qu’on peut l’être. J’ai eu mes deux fillettes en un espace de temps très rapproché, et presque tout de suite, une épouvantable douleur est venue fondre sur moi… L’aînée de mes enfants, quoique délicate, avait échappé à un terrible mal héréditaire provenant de la famille de mon mari, mais la seconde, à peine née, présentait d’indéniables symptômes de la coxalgie qui en a fait une petite martyre, malgré l’amélioration que lui apportent les années et les soins énergiques. J’avais acquis la certitude, que tous les enfants que me donnerait mon mari devaient être plus ou moins marqués de l’épouvantable tare qu’il avait dans le sang… J’avais alors vingt-deux ans. Je ne me crus pas le droit de risquer de redevenir mère… Et, à la suite d’une séparation dans laquelle je m’entêtai, m’efforçant de faire partager à mon mari des idées que je crois encore saines, une lutte sans trive se leva entre nous, devenant de plus en plus âpre, jusqu’au jour où meurtris, suprêmement las, nous nous résolûmes au divorce…

Julien l’interrompit :

— J’admets tout ceci, mais où je ne peux plus vous approuver, c’est dans votre sacrifice exagéré, inutile, d’aujourd’hui.