Page:Pert - L Autel.djvu/16

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garde passant dans ses yeux durant une seconde, balbutiant d’un accent plaintif qui fit singulièrement vibrer les nerfs des deux hommes :

— J’ai peur…

Le chirurgien détourna les yeux, muet, soucieux. Robert cacha son trouble sous une irritation.

— Tu es absurde !

Et il obligea la jeune femme à se rasseoir.

— Écoute Julien. Et toi, docteur, répète-lui encore, ressasse-lui qu’elle est stupide de faire un monde, de se terrifier d’une chose aussi simple ! Voyons, Suzanne, réfléchis donc que la maternité, la grossesse, l’accouchement sont cent fois plus pénibles, plus dangereux. Parle donc, Julien…

— Je l’ai déjà dit à Suzanne, articula nettement le chirurgien, qui reprenait son sang-froid. L’insignifiante opération faite au moment favorable, c’est-à-dire à l’extrême début, ne peut prendre quelque importance que si elle est exécutée par des mains totalement incapables et non suivie de précautions hygiéniques du reste fort simples.

Suzanne releva la tête, les yeux secs, un vif coloris fièvreux montant à ses pommettes. Agressive, elle jeta, son regard plongeant dans celui du docteur :

— Et c’est vous-même qui accepteriez les responsabilités de ce crime ?

Il haussa les épaules et, sans détourner les yeux ni s’émouvoir, dit sèchement :

— Vous savez bien, Suzanne, que les grands mots et les rengaines courantes ne sont pas pour m’impressionner…

Robert s’écria avec acrimonie :

— Ah ! voilà bien les femmes !… On les croit siennes par la pensée comme par le cœur… On s’efforce de les