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CHAPITRE I

LES FABLES ET LE ROMAN DU RENARD[1]




I. — Les fables.


Développement de la fable au moyen âge. — Il est assez curieux que la fable, qui a passé presque inaperçue à Rome, qui n’y a pas été, à proprement parler, un genre, soit devenue, au moyen âge, une branche très riche de notre littérature. Ce que Sénèque traitait dédaigneusement de « travail étranger aux imaginations romaines », ce que Quintilien mettait sur le même rang que les contes de nourrices et considérait comme bon tout au plus à servir de texte pour des paraphrases d’écoliers ou d’ornements pour égayer un discours, avait pris déjà dans la société carolingienne une place importante et s’était imposé à l’étude et à l’admiration de chacun. Phèdre dont le nom et les écrits avaient été ignorés de la plupart de ses contemporains, Avianus dont l’œuvre si médiocre méritait de tomber dans un profond oubli, ont été tout à coup élevés au premier rang parmi les poètes de l’antiquité et regardés comme les plus dignes d’être commentés et imités. L’histoire de la fable ésopique chez les Grecs et les Latins est pour nous encore mystérieuse et remplie d’énigmes. Presque tout en elle semble apocryphe, auteurs et sujets. Nos ancêtres étaient bien moins renseignés que nous : ils n’ont même pas connu le nom de

  1. Par M. Léopold Sudre, docteur ès lettres, professeur au collège Stanislas.