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LE ROMAN DE LA ROSE

comme le faisaient beaucoup de ses contemporains, mais « à tous les poètes d’Italie, soit que nous considérions, ou leurs mouelleuses sentences, ou leurs belles loquutions, encores que l’oeconomie générale ne se rapporte à ce que nous pratiquons aujourd’huy. Recherchez-vous la philosophie naturelle ou morale ? elle ne leur défaut au besoin : voulez-vous quelques sages traits ? les voulez-vous de follie ? vous y en trouverez à suffisance ; traits de folie toutesfois dont pourrez vous faire sages. Il n’est pas que quant il faut repasser sur la théologie, ils se monstrent n’y estre aprentifs. Et tel depuis eux a esté en grande vogue, lequel s’est enrichy de leurs plumes, sans en faire semblant. Aussi ont-ils conservé et leur œuvre et leur mémoire jusques à huy, au milieu d’une infinité d’autres, qui ont esté ensevelis avec les ans dedans le cercueil des ténèbres. » André Thevet a placé Jean de Meun dans sa galerie des Hommes illustres. Le père Bouhours lui donne le titre de père et inventeur de l’éloquence française.

En 1735, Lenglet du Fresnoy, pour qui Guillaume de Lorris était, non plus seulement « notre Ennius », mais « notre Homère », publia une édition nouvelle du Roman de la Rose. Deux ans après, Lantin de Damerey fit paraître, comme complément à cette édition, un volume d’études sur le poème. En 1798, on réimprima l’édition de Lenglet du Fresnoy avec le supplément de Lantin de Damerey. En 1814, Méon donna, d’après de bons manuscrits, un texte du poème plus correct que les précédents. Son édition, devenue rare, a été reproduite par Francisque Michel en 1865 et par Pierre Marteau — pseudonyme de J. Croissandeau — avec une traduction en vers (1878-1880). En 1839 avait paru une traduction en vers allemands, par H. Fährmann, de la première partie du Roman.

Influence du Roman de la Rose. — Le Roman de la Rose a exercé depuis le milieu du xiiie siècle jusqu’au milieu du xvie une influence considérable sur la littérature française et sur les littératures étrangères qui se sont inspirées de la nôtre. Seul le grand mouvement littéraire auquel Ronsard et ses amis donnèrent une si vive impulsion parvint en France à arrêter cette action malheureuse. Mais comme celle des arbres qui ont eu le temps, de plonger dans le sol de nombreuses et