Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 2, 1896.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
157
DEUXIEME PARTIE DU ROMAN DE LA ROSE

— Ce n’est pas le Roman de la Rose qui a inspiré ce poème ; ce sont le Fableau du Dieu d’Amours, ou celui de Vénus la déesse d’Amours, et les débats qui dérivent de l’Altercatio Phyllidis et Floræ. Un autre poème du même auteur rappelle le chapitre de Jean de Meun sur Faux-Semblant, c’est le Dit d’Ypocrisie des Jacobins, mais il est précisément écrit — et c’est le seul parmi les nombreuses poésies de Jean de Condé — dans un mètre très particulier, affectionné de Rutebeuf, qui a, lui aussi, souvent attaqué les Jacobins et a écrit notamment contre eux, dans ce même rythme, le Dit d’Ypocrisie. Une accusation, il est vrai, de Jean de Condé, qui ne se rencontre dans aucun poème de Rutebeuf se trouve déjà dans le Roman de la Rose, exprimé dans les mêmes termes. Faux-Semblant avait dit :

Je m’entremet de couretages,
Je fais pais, je joing mariages.

Jean de Condé répète :

De maint markié sont couratier ;
Encor plus il sont curatier
encoDes mariages.

Mais ce rapprochement est sans importance, étant donné le grand nombre des écrits en vers ou en prose, en latin ou en français, du xiiie et du xive siècle, qui reproduisent les mêmes accusations contre les ordres mendiants. Plus encore que Jean de Condé, son compatriote et contemporain Watriquet de Couvin fait penser à Guillaume de Lorris. Dans sa Fontaine d’Amours, les descriptions du printemps, du verger, de la fontaine, les allégories, les personnifications rappellent inévitablement la première partie du Roman de la Rose. Guillaume de Lorris avait déjà décrit la Fontaine d’Amour, mais en nous prévenant qu’avant lui de nombreux auteurs en avaient parlé en français et en latin. Les ouvrages de ces auteurs semblent aujourd’hui perdus, mais ils ne l’étaient pas du temps de Watriquet. Ajoutons encore que Watriquet pour son poème a beaucoup emprunté à la Messe des Oiseaux de Jean de Condé.

Le but de ces rapprochements n’est pas d’établir que Baudoin de Condé, son fils Jean et Watriquet de Couvin ont ignoré le