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tout d’abord un nombre un peu plus considérable de mots d’origine celtique, mais c’était là une différence minime. Une autre, beaucoup plus appréciable, porte sur le contingent des mots germaniques, autrefois bien plus important que de nos jours. Nous ne connaissons plus befe (plaisanterie), begart (hérétique), brant (tranchant de l’épée), brost (bourgeon), drud (ami), esclïer (fendre, briser), eschec (butin), espringuier (bondir), estolt (hardi, téméraire), flat (coup), fole (foule), gasaille (cercle, compagnie), graim (chagrin), nant (garantie), randon (course), roife (lèpre, crasse, galle), sille (voile), tondre (amadou), toueillier (enchevêtrer), etc.

À cette liste, qu’on pourrait grossir beaucoup, correspondrait une liste — quoique de moindre proportion — de mots arabes, également plus nombreux jadis que maintenant[1]. En revanche, peu de mots espagnols, et surtout beaucoup moins de termes italiens, bien que les Croisades et les rapports de toute sorte avec la Péninsule en aient fait déjà entrer nombre dans la langue.

Mais la vraie caractéristique en cette matière du vieux français par rapport au français moderne, c’est qu’il est, je ne dis pas pur, mais infiniment plus pur que le nôtre de ces mots latins et grecs qui, dans la suite, ont été importés en masse, à peine francisés. À cette époque, l’influence du grec, ignoré de tous, se réduit presque à rien, et le fonds des mots grecs en reste, jusqu’à la fin du vrai moyen âge, sinon au point où l’avait porté l’introduction dans le latin vulgaire des termes ecclésiastiques tels que : apôtre, chresme, diacre, évêque, hérésie, symbole, blasphème, du moins dans des limites encore étroites[2].

Le fonds savant. — Le latin, au contraire, avait depuis longtemps commencé à s’infiltrer par le canal de l’Église et de l’administration, qui parlaient latin.

  1. V. plus loin p. 516. Pour trouver d’autres exemples, il suffirait de regarder le Dictionnaire des mots d’origine orientale, de M. Marcel Devic, au mot alchimie, où il a réuni quantité de termes de même provenance, qui appartenaient à l’ancienne technologie.
  2. Il entre néanmoins, au XIIe sièclee ou au XIIIe siècle, un certain nombre de mots qui avaient été latinisés : apoplexie, apothicaire, archétype, clystère, dialectique, dialogue, diapason, diamètre, diaphragme, diphtongue, écliptique, épidémie, épiglotte, épileptique, éthique, frénétique, hémorroïdes, hydropique, hypocrisie, léthargie, narcotique, physicien, trône, ydle (ydole), grammaire, harmonie, mélodie, métaphore, monarchie, orthographie, paralysie, pentagone, pleurétique, sibylle, sophisme, sphère, sycomore, syllabe, tyran, etc.