Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 2, 1896.djvu/562

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tres, comme celui du Mirrour of life, s’excusent de ne pas l’employer ; néanmoins son expansion est arrêtée. La guerre venue, on le cultive pour les commodités qu’il donne[1] Dans les hautes classes, l’attrait de la civilisation française aidant à maintenir la tradition, il reste d’usage de l’apprendre par recherche d’élégance autant que par nécessité ; mais il ne peut plus être question de conquête. Alors commence une nouvelle période de la vie du français en Angleterre ; après la première, qui est celle de la conquête, la seconde, très courte, qui est celle de la décadence, celle-ci pourrait être appelée la période de la survivance[2].

Dès le début, l’anglais gagne si rapidement du terrain qu’il semble devoir en quelque temps évincer le français. Une littérature anglaise réapparaît, faite d’abord en grande partie de traductions, mais aussi de quelques originaux. Le poète Glower, après avoir commencé par écrire en français, se sert du latin, puis enfin de l’anglais[3] (vers 1392), et l’immortel Chaucer, sans avoir de ces hésitations, l’adopte et le consacre à la fois par son génie. Vers le même temps, sur l’initiative d’un simple maître de grammaire, John Cornwail, dont le nom a été plusieurs fois salué par les écrivains anglais, comme celui d’un libérateur, le français perd la place importante qu’il occupait à la base de l’enseignement ; les traductions du latin se font en


    together. » (Anno 1322 et 1325, Oriel Collège.) Cf. p. 151 : No conversation was to be permitted save in latin or in french. « Ces prescriptions se renouvellent jusqu’en 1340.

  1. Le parlement ordonnait « que tout seigneur, baron, chevalier et honnestes hommes de bonnes villes mesissent cure et dilligence de estruire et apprendre leurs enfans, le langhe françoise par quoy il en fuissent plus able et plus coustummier en leurs gherres » (Froiss., éd. Kervyn de Lettenh, II, 419).
  2. Jean Barton, l’auteur du Donait françois me paraît bien avoir résumé les causes du long maintien de notre langue outre-Manche quand il dit (éd. Stengel, p. 25, 1-9) : " Pour ceo que les bones gens du Roiaume d’Engleterre sont embrasez à scavoir lire et escrire, entendre et parler droit François, afin qu’ils puissent entrecomuner bonement ove lour voisins, cest a dire les bones gens du roiaume de France et ainsi pour ce que les leys d’Engleterre pour le graigneur partie et aussi beaucoup de bones choses sont misez en françois, et aussi bien près touz les seigneurs et toutes les dames en mesme roiaume d’Angleterre volentiers s’entrescrivent en romance, très nécessaire je cuide estre aux Englois de scavoir la droite nature de François. »
  3. Il raconte que c’est sur l’ordre du roi et par amour de lui qu’il a écrit en anglais :

    « For whose sake he intends to write some new thing in English. » Qu’on adopte cette version ou celle de la seconde édition, dédiée à Henri de Lancastre et non plus à Richard II, d’après laquelle il a pris l’anglais par amour de l’Angleterre, on n’en voit pas moins combien les choses sont changées. « He purports to appear in English for England’s sake. » (Baret, o. c. p. 76.)