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SUR VILLE-HARDOUIN

qu’ils avoient accueillis avec transport, s’étoient livrés à toutes les violences qui accompagnent les invasions des peuples barbares. Un témoin oculaire, Nicétas, dit que les environs de Constantinople, autrefois si peuplés et si florissans, étoient changés en une effroyable solitude. Les délicieuses maisons de campagne qui ornoient autrefois le plus beau site de l’univers n’existoient plus ; les champs étoient dévastés, les vignes brûlées, les forêts abattues. L’imagination ardente des Grecs, accablée par tant de malheurs, se figuroit que la fin du monde étoit arrivée, et que la trompette du dernier jugement pouvoit seule annoncer aux oppresseurs et aux victimes la fin de cette horrible crise. Les Bulgares paroissoient les exécuteurs de la vengeance divine. On ne pouvoit compter avec eux sur aucun engagement, sur aucun traité. Les laissoit-on entrer dans une ville, ils la pilloient, la brûloient, en massacroient les citoyens, poussoient quelquefois la cruauté jusqu’à les écorcher vifs, et menoient en esclavage ceux qui avoient survécu à la ruine de leur pays. On dit même que Jean avoit le projet de dépeupler la Thrace, de détruire les villes et les villages, et de transporter les habitans au-delà du Danube.

Ces horreurs souvent renouvelées, et la réputation de modération et de douceur dont jouissoit le régent, rapprochèrent insensiblement les Grecs des Français. Des négociations furent entamées, et Branas, qui avoit épousé Agnès, sœur de Philippe-Auguste, en fut chargé. Estimé des Grecs malgré son dévouement pour les Français, il étoit très-propre à devenir médiateur entre les deux nations. Ses soins pour rétablir