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[1202] de la conqueste

prirent le chemin de Venise, qui avoient proposé de s’embarquer à d’autres ports : ce qui n’empécha pas toutesfois qu’aucuns ne prissent le chemin de la Poüille, entre lesquels fut Villain de Nuilly, l’un des bons chevaliers de son temps, Henry d’Ardillieres, Regnard de Dampierre, Henry de Longchamp, Gilles de Trasegnies, homme lige de Baudoüin comte de Flandres, qui luy avoit donné cinq cens livres du sien pour le suivre en ce voyage, et avec eux grand nombre de chevaliers et de gens de pied dont nous taisons les noms : ce qui fut autant de diminution à l’armée qui s’assembloit à Venise, et causa depuis de grands inconvéniens, comme la suitte fera voir.

29. Ainsi le comte Louys et les autres barons prirent le chemin de Venise, où ils furent tres-bien receus, et se logérent en l’isle de Sainct Nicolas avec les autres. Jamais il ne se vit une plus belle armée, ny plus nombreuse, ny composée de plus vaillans hommes. Les Venitiens leur firent livrer abondamment toutes choses necessaires, tant pour les hommes que pour les chevaux. Les vaisseaux au reste qu’ils leur avoient apprestez, estoient si bien équippez et fournis, qu’il n’y manquoit rien, et en si grand nombre, qu’il y en avoit trois fois plus qu’il ne convenoit pour les Croisez qui s’estoient là rendus. Hà ! que ce fut un grand malheur de ce que ceux qui allérent chercher d’autres ports ne vinrent joindre cette armée ! Sans doute l’honneur de la chrestienté en eust esté relevé, et la force des Sarrazins abbatuë. Quant aux Venitiens, ils accomplirent fort bien leurs conventions, mesme au delà de ce qu’ils estoient obligez, et sommérent les comtes et barons de vouloir reciproquement s’aquitter