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[1202] de la conqueste

l’une des plus fortes villes du monde, laquelle, quelques forces que nous ayons, nous ne pourrons jamais recouvrer sans leur assistance. Proposons-leur, s’ils nous veulent aider à reprendre cette place, que nous leur donnerons temps pour le payement des trente mil marcs d’argent qu’ils nous doivent, jusqu’à ce que Dieu par nos conquestes communes leur ait donné le moyen de s’en acquitter. » Cette ouverture ayant esté faite aux barons, elle fut grandement contredite par ceux qui desiroient que l’armée se rompit : mais, nonobstant toutes leurs repugnances, la condition fut receuë.

33. Ensuitte se fit une assemblée en un jour de dimanche en l’église de Saint Marc, où la plus grand part des Venitiens et des barons et pelerins de l’armée se trouvérent : et là, devant que l’on commençât la grande messe, le duc Henri Dandole monta au pupitre, et parla en cette sorte : « Seigneurs, vous pouvez dire asseurément que vous vous estes associez aux meilleurs et plus vaillans hommes du monde, et pour la plus haute affaire que jamais on ait entrepris. Je suis vieil, comme vous voyez, foible et debile, et mal disposé de mon corps, et aurois besoin de repos ; neantmoins je reconnois bien qu’il n’y a personne qui vous puisse mieux conduire en ce voyage et entreprise que moy, qui ay l’honneur d’estre vostre seigneur et Duc : c’est pourquoy si vous voulez me permettre de prendre la croix pour vous conduire, et que mon fils demeure icy en ma place pour la conservation de cét Estat, j’irois volontiers vivre et mourir avec vous et les pelerins. » Ce qu’ayans entendu, ils s’écriérent tout d’une voix :