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[1203] de la conqueste

ne les abandonneroient point. Quand les autres virent cela, ils furent vivement touchez, et le cœur leur attendrit de façon qu’ils ne peurent contenir leurs larmes.

61. Et particuliérement lors qu’ils virent leurs seigneurs, leurs plus proches parens et amis tomber à leurs pieds, ils témoignérent plus de ressentiment et dirent qu’ils en aviseroient ensemble. Là dessus ils se retirerent, et conferérent entre eux : le resultat de leur conseil fut qu’ils demeureroient encore avec eux jusqu’à la Saint Michel, à condition qu’on leur promettroit, et qu’on leur jureroit sur les saints Evangiles, que de là en avant, à toute heure qu’ils les en voudroient requerir, dedans la quinzaine ensuivant, ils leur fourniroient de bonne foy, sans aucune fraude, des vaisseaux pour passer en Syrie.

62. Ces conditions leur furent accordées et jurées solemnellement ; en suitte tous se rembarquérent dans les vaisseaux, et les chevaux furent passez dans les palandries : et ainsi firent voile du port de Corfou la veille de la Pentecoste, l’an de l’incarnation de nostre Seigneur mil deux cens trois, avec tous les vaisseaux, tant palandries que galéres, et autres de l’armée navale, que nefs marchandes[1] qui s’estoient associées de conserve avec cette flotte. Le jour estoit clair et serain, la mer bonace, et le vent propre et doux, lors qu’ils se mirent en mer et lâchérent les voiles au vent. Et moi, Geofroy, mareschal de Champagne, autheur de cét œuvre, asseure n’y avoir rien mis qui ne soit de la vérité, comme ayant assisté à tous les conseils, et que jamais on ne vit armée na-

  1. Nefs marchandes : vaisseaux marchands.