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[1203] de la conqueste

Dieu les appeller et faire sa volonté d’eux : ce qu’ils firent de grand zele et devotion. Le jour pris estant arrivé, les chevaliers s’embarquérent avec leurs chevaux de batailles dans les palandries, armez de pied en cap, leurs heaumes[1] laçez, les chevaux sellez et couverts de leurs grandes couvertures ; les autres qui estoient de moindre considération pour le combat, se reduisirent dans les gros et pesans vaisseaux ; toutes les galéres furent pareillement armées et équipées : ce qui se fit en un beau matin peu aprés le soleil levé. Cependant l’empereur Alexis les attendoit de l’autre costé avec grand nombre d’escadrons et force trouppes en bon ordre, les trompettes sonnans desja de toutes parts. A châque galére fut attaché un vaisseau rond pour le remorquer et passer outre plus legerement. On ne demandoit pas qui devoit aller le premier, qui aprés, châcun s’efforçant à l’envi de gagner les devants ; et les chevaliers se lançoient de leurs palandries dans la mer jusqu’à la ceinture, le heaume lacé en teste, et la lance au poing : les archers pareillement, les arbaletriers, ensemble tous les gens de pied, châcun à l’endroit où leurs vaisseaux abordérent. Les Grecs firent contenance de leur vouloir contester la descente ; mais quand ce vint aux coups ils tournérent soudain le dos, et leur quittérent le rivage. Et sans doute on peut dire que jamais on ne prit terre avec tant de hardiesse et de braverie. Lors les mariniers commencérent de tous costez à ouvrir les portes des palandries, et à jetter les ponts dehors : on en tira les

  1. Heaumes : casques à visière.