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[1203] de la conqueste

droit contre ceux des pelerins. Cependant l’alarme se met au camp, et châcun prend les armes de toutes parts.

114. Les Venitiens coururent promptement à leurs vaisseaux, et tous les autres qui en avoient, et se mirent à les secourir d’une telle diligence et devoir, que jamais personne ne s’ayda et fit mieux sur mer en semblables inconvéniens comme firent les Venitiens en ceux-cy, comme peuvent témoigner ceux qui s’y trouvérent : car à l’instant ils sautérent dans les fustes[1] et galiotes, et dans les esquifs des navires, agraffans avec de longs crocs celles qui estoient allumées, et, à force de rames les remorquans, les tiroient à vive force du port, puis les envoyoient contre-bas le courant du canal, et les laissoient aller ainsi brûlantes à l’impétuosité du vent et des vagues. Au reste une si grande multitude de Grecs s’estoit épanduë à ce spectacle dessus le rivage pour voir le succés de ce stratagéme, qu’il ne se peut dire davantage, jettans des cris et hurlemens si grands qu’il sembloit que la terre et la mer deussent abysmer, la pluspart entrans dans des barques et nacelles pour tirer aux nostres occupez à se garentir et à se deméler de ce feu, en sorte qu’il y en eut nombre de blessez.

115. Si tost que la cavalerie de l’armée eut oüy le bruit et le tintamarre, elle s’arma à l’instant et sortit en campagne, châcun rangé en bataille comme de coûtume, craignant que les Grecs ne les vinssent attaquer par devers la plaine ; et se tinrent ainsi en or-

  1. Fustes : fust veut dire un morceau de bois ; on appeloit ainsi, par figure, un petit vaisseau.