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[1204] de la conqueste

128. Les chevaliers qui estoient dans les palandries, ayans veu que leurs compagnons avoient gagné la tour, sautérent à l’instant sur le rivage, et, ayans planté leurs eschelles au pied du mur, montérent contremont à vive force, et conquirent encore quatre autres tours. Les autres, animez de leur exemple, commencérent de leurs navires, palandries et galéres, à redoubler l’attaque à qui mieux mieux, enfoncérent trois des portes de la ville, entrérent dedans, et, ayans tiré leurs chevaux hors des palandries, montérent dessus, et allérent à toute bride au lieu où l’empereur Murtzuphle estoit campé. Il avoit rangé ses gens en bataille devant ses tentes et pavillons ; lesquels, comme ils virent les chevaliers montez sur leurs chevaux de combat venir droit à eux, se mirent en fuite, et l’Empereur mesme s’en alla courant, dans les rues, et fuyant au chasteau ou palais de Bucoleon[1]. Lors vous eussiez veu abatre Grecs de tous costez, les nostres gagner chevaux, palefrois, mulets et autre butin, et tant de morts et de blessez qu’ils ne se pouvoient nombrer. La pluspart des principaux seigneurs grecs se retirérent vers la porte de Blaquerne. Comme le soir approchoit desjà, et que nos gens estoient las et fatiguez du combat et du carnage, ils sonnérent la retraite, se rallians en une grande place qui estoit

  1. Bucoleon. C’étoit un immense édifice situé sur la rive de la Propontide. Il y avoit une multitude de corps de logis bâtis par divers empereurs : on y distinguoit le Delphicum où les empereurs mangeoient, le Porphyre où les impératrices faisoient leurs couches, d’où leurs enfans prenoient le nom de Porphyrogenètes. Ce palais portoit le nom de Bucoleon, parce que, près d’un des appartemens s’élevoit un groupe de marbre blanc représentant un bœuf luttant contre un lion. Il étoit très-fortifié : les Grecs l’appeloient un nid de tyrans.