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NOTICE

ceptible que son frère de sentimens élevés, et paroissant déjà frappée de la grandeur future de son époux, le détermina sans peine à tout quitter pour la guerre sainte, où elle voulut elle-même l’accompagner. Henri, son beau-frère, et Thierry, son neveu, suivirent cet exemple ; et tous prirent solennellement la croix dans la grande église de Bruges, au commencement du printemps de 1201. Ainsi deux des plus puissans souverains parmi ceux qui ne portoient pas la couronne, se trouvèrent à la tête de la nouvelle expédition.

Les comtes de Champagne, de Flandre et de Blois, s’assemblèrent d’abord à Soissons, puis à Compiègne, pour délibérer sur leur entreprise. Ce fut dans cette dernière ville que chaque prince nomma deux commissaires munis de pleins pouvoirs, et chargés de faire tous les préparatifs. Ville-Hardouin fut l’un de ceux qui représentèrent le comte de Champagne : sa prudence, son excellent esprit, son courage à toute épreuve, son dévouement pour la cause commune, lui donnèrent beaucoup d’ascendant sur ses collègues. Ils résolurent d’aller à Venise, afin de se procurer un nombre suffisant de vaisseaux pour passer sur-le-champ en Égypte, où devoient se livrer les premiers combats. Aucune idée ambitieuse ne sembloit les détourner de l’objet principal de l’entreprise.

Venise avoit pour doge Henri Dandolo, l’un des plus grands hommes de son siècle : c’étoit un vieillard de quatre-vingt-dix ans, presque aveugle, et conservant cependant à cet âge, où l’on ne pense ordinairement qu’au repos, le courage impétueux qui distinguoit les guerriers de ces temps héroïques. Sa prudence n’etoit