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[1204] de la conqueste

vouloir leur donner parole et les assûrer de tenir ce qu’ils feroient, comme le marquis avoit fait de son costé. Durant ces negotiations, l’Empereur avoit achevé ses affaires vers Thessalonique, et en estoit party, y ayant laissé garnisons, et pour gouverneur Renier de Monts, fort sage et vaillant chevalier. Dans son chemin luy vinrent nouvelles que le marquis s’estoit emparé de Didymotique et du pays circonvoisin, et qu’en outre il avoit assiegé ses gens dans Andrinople.

154. L’Empereur, irrité de cette entreprise, fit haster le pas à son armée, disant hautement qu’il vouloit aller faire lever le siege d’Andrinople, et qu’il feroit du pis qu’il pourroit au marquis. Hà ! bon Dieu, quel malheur eût causé cette discorde si Dieu n’y eût mis la main ! car sans doute la chrestienté couroit risque de recevoir un grand eschec. La pluspart au reste des gens de l’Empereur estoient devenus malades vers Thessalonique, en sorte que plusieurs estoient contraints de demeurer par les chemins, villes et les bourgades où l’armée passoit : les autres se faisoient porter en littieres et en des brancars avec des grandes incommoditez.

155. De ce nombre mourut en la ville de Serres[1] maistre Jean de Noyon, qui estoit chancelier de l’Empereur, homme sage, vertueux et bon ecclesiastique, et qui avoit consolé toute l’armée par ses predications, estant fort eloquent et bien disant ; aussi fut-il regretté de tous les gens de bien de l’armée. Peu aprés arriva un autre insigne malheur par la mort de Pierre d’Amiens, riche et puissant seigneur, et vaillant che-

  1. Serres : ville de la province de Rhodope.