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[1204] de la conqueste

dit : « Seigneur, je viens d’une province tres-riche, qu’on appelle la Morée ; si vous voulez prendre ce que vous pourrez recouvrer de trouppes, et quitter ce camp, nous irons ensemble à l’ayde de Dieu y faire quelque conqueste : et la part qu’il vous plaira me faire, je la tiendray de vous en qualité de vassal et d’homme lige. » L’autre qui avoit grande creance en luy, et l’affectionnoit beaucoup, le crût, et à l’instant alla trouver le marquis, auquel il fit entendre cétte entreprise, à laquelle le marquis s’accorda : et en suitte Guillaume de Champlite et Geoffroy de Ville-Hardoüin partirent du camp, emmenans quant et eux environ cent chevaliers avec grand nombre de gens de pied et de cheval, passérent dans la Morée, et vinrent jusques à la ville de Modon.

175. Michel ayant eu advis qu’ils estoient entrez dans le pays avec si peu de gens, amassa soudain une grosse armée, et se mit à les suivre, croyant les avoir desja tous dans ses filets. Mais si tost qu’ils eurent le vent de sa marche, ils commencérent promptement à refermer et fortifier Modon, qui avoit esté demantelée il y avoit long-temps, et y laissans leur bagage avec les inutiles au combat, sortirent en campagne et se rangérent en ordonnance pour attendre leur ennemy : ce qui ne se fit pas sans quelque temerité, d’autant qu’ils n’avoient pas plus de cinq cens chevaux, et les autres en avoient plus de six mil. Mais comme Dieu donne des issues contraires aux desseins des hommes, les nostres attaquérent vivement les Grecs et les deffirent entiérement, en sorte que les Grecs y firent une notable perte ; et les nostres y gagnérent force chevaux, armes, et autre butin, avec