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NOTICE

moyens ne pouvoient être solides. Ce peuple étoit d’ailleurs plongé dans la corruption la plus funeste et la plus irrémédiable. Ayant par sa position conservé, sans en être digne, le dépôt des connoissances humaines, il se flattoit d’être supérieur aux autres nations. Parce qu’il aimoit à s’égarer dans les spéculations d’une vaine philosophie il se croyoit sage, éloquent parce qu’il étoit déclamateur, éclairé parce qu’il cultivoit quelques sciences, et semblable aux Romains parce que, n’imitant que leurs vices, il se livroit avec fureur aux spectacles et aux jeux du cirque. C’étoit en citant des vers d’Homère que, dans les batailles, les généraux prenoient lâchement la fuite ; c’étoit en rappelant des passages de Platon et d’Aristote, que des princes cruels et timides faisoient emprisonner, priver de la vue, étrangler leurs parens. On trouvoit dans les livres des excuses pour toutes les faiblesses, des justifications pour tous les crimes ; et c’étoit ainsi que les lettres, qui font la gloire et le bonheur des sociétés bien constituées, ne servoient qu’à augmenter l’abjection d’un peuple qui en pervertissoit l’usage. L’orgueil, la fausse science, l’absence de tout principe fixe, joints aux raffinemens de la mollesse, du luxe et de la volupté, minoient cet Empire dont la fausse splendeur pouvoit éblouir un moment, mais qui n’avoit en lui-même aucune force réelle.

Après la mort de Manuel Comnène, le dernier des princes de ce nom qui se distinguèrent par des succès, son fils Alexis, encore enfant, lui avoit succédé, et le gouvernement, confié à l’impératrice Marie sa mère, étoit aussitôt tombé dans le désordre. Cette princesse, encore belle, ne possédoit ni les vertus de son sexe,