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NOTICE

du traité. Après avoir reçu plusieurs réponses évasives, ils se décidèrent à le sommer pour la dernière fois de tenir sa parole. Ils nommèrent une ambassade dont Ville-Hardouin fit partie, et à la tête de laquelle fut placé Conon de Béthune. Cette mission étoit fort périlleuse : depuis long-temps les Croisés n’entroient plus à Constantinople, et il n’y avoit aucune communication entre les deux peuples : un soulèvement général pouvoit avoir lieu à la vue des ambassadeurs. Ces considérations ne les retinrent pas ; ils entrèrent à cheval à Constantinople, et parvinrent sans obstacle au palais de Blaquernes. La Cour s’y trouvoit réunie : Alexis étoit à côté de son père, qui ne prit aucune part à la conférence. Sa belle-mère, la jeune Marguerite de Hongrie, paroissoit plongée dans la plus profonde douleur. Conon de Béthune rappela les services rendus par les Croisés, et les promesses qui leur avoient été faites ; il déclara que la guerre alloit se rallumer si le traité n’étoit pas exécuté, et, suivant les usages pleins de loyauté de la chevalerie française, il osa porter un défi aux deux empereurs. Cette franchise parut le comble de l’audace ; Alexis, s’aveuglant sur ses dangers, témoigna son mécontentement ; les traîtres qui l’environnoient éclatèrent en reproches contre les Croisés. Le bruit de ce qui se passoit se répandit aussitôt dans la ville, la fermentation s’augmenta de proche en proche, et le danger que les ambassadeurs alloient courir à leur retour sembloit extrême ; mais leur belle contenance imposa silence à la multitude, et ils sortirent à petits pas de la ville, sans que le peuple eût osé même exhaler son mécontentement par des murmures.