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SUR VILLE-HARDOUIN

poison, mais il paroît que le tempérament robuste du jeune homme, ou des remèdes donnés à propos, en empêchèrent l’effet ; enfin le 8 février 1204, Murtzuphle va faire une visite à Alexis, dîne avec lui, le rassure, lui fait espérer un sort plus heureux, et l’étrangle de ses propres mains après le repas. Non content de l’avoir privé de la vie, il exerce sa rage sur son corps inanimé, et lui brise les os à coups de massue.

Moins effrayé de son crime que des suites qu’il pouvoit avoir, il cacha pendant quelques jours la mort d’Alexis. Isaac, qui n’avoit plus que le nom d’empereur, et qui se plaignoit sans cesse de l’ingratitude de son fils, relégué dans un appartement isolé, attaqué d’une maladie dangereuse, s’aperçut à peine de la révolution qui enlevoit le trône à sa famille. Il mourut presque en même temps qu’Alexis, et sans que sa mort fût imputée au tyran. Le mépris fit épargner Nicolas Canabe, décoré un moment de la pourpre par les agens de Murtzuphle, et qui n’avoit été que l’instrument de ses desseins.

Murtzuphle eut un instant l’espoir de s’emparer des chefs les plus redoutables des Croisés. Il fit sortir des députés qui leur annoncèrent la révolution, la leur peignirent sous des couleurs fausses, leur persuadèrent qu’Alexis vivoit encore et leur seroit remis, leur représentèrent que le nouvel Empereur avoit les intentions les plus pacifiques, offrirent de sa part le paiement de tout ce qui étoit dû, et les invitèrent à le venir voir, promettant que cette démarche loyale auroit pour résultat une paix solide et prompte. Le comte de Flandre, le marquis de Montferrat, et